Introduction
Artemisia annua, également connue sous le nom d’armoise annuelle ou qinghao (青蒿) en Chine, est une plante médicinale utilisée depuis des siècles en Asie pour ses propriétés thérapeutiques. Son usage traditionnel contre la fièvre et le paludisme a conduit à la découverte de l’artémisinine, un composé antipaludéen révolutionnaire. Cet article retrace l’histoire de l’Artemisia annua en Chine et dans les régions avoisinantes, en mettant l’accent sur la découverte progressive de ses principes actifs, notamment les flavonoïdes et autres molécules bioactives.
Utilisation traditionnelle en Chine
Les premières mentions écrites de l’Artemisia annua remontent à la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.), où elle était utilisée pour traiter les fièvres et les troubles digestifs. Le plus ancien texte médicinal chinois, le Shennong Bencao Jing (《神农本草经》), la classe parmi les plantes de « niveau inférieur », indiquant son usage pour « éliminer la chaleur et traiter les fièvres intermittentes ».
C’est dans le Zhouhou Beiji Fang (《肘后备急方》), un manuel de médecine d’urgence écrit par Ge Hong (葛洪, 283-343 apr. J.-C.), qu’apparaît la première description claire de son utilisation contre les fièvres paludéennes. Ge Hong recommandait de faire macérer des feuilles fraîches de qinghao dans de l’eau froide et d’en boire le jus.
Redécouverte au XXe siècle et identification de l’artémisinine
Dans les années 1960, alors que la résistance du paludisme à la chloroquine se répandait, le gouvernement chinois lança le Projet 523 (1967) pour rechercher de nouveaux traitements antipaludéens dans la médecine traditionnelle.
En 1971, la scientifique Tu Youyou et son équipe de l’Académie de médecine traditionnelle chinoise identifièrent l’Artemisia annua comme une plante prometteuse. En 1972, après des centaines d’essais, ils isolèrent le principe actif responsable de son efficacité : l’artémisinine (qinghaosu, 青蒿素). Cette découverte valut à Tu Youyou le Prix Nobel de physiologie ou médecine en 2015.
Découverte des autres composés bioactifs
Outre l’artémisinine, Artemisia annua contient de nombreux autres composés aux propriétés pharmacologiques :
1. Flavonoïdes (années 1980-2000)
Les flavonoïdes de l’Artemisia annua ont été étudiés pour leurs effets synergiques avec l’artémisinine :
- Artemetine (antioxydant, anti-inflammatoire)
- Casticine (effet antipaludéen modéré)
- Chrysosplénétine (potentialisateur de l’artémisinine)
Des études chinoises dans les années 1990 ont montré que certains flavonoïdes augmentaient la biodisponibilité de l’artémisinine, réduisant ainsi les doses nécessaires.
2. Autres terpènes et huiles essentielles
- Dihydroartémisinine (métabolite actif de l’artémisinine)
- Acide artémisinique (précurseur semi-synthétique de l’artémisinine)
- Camphre et limonène (présents dans l’huile essentielle, effets antibactériens)
3. Découvertes récentes (années 2000-2020)
Des recherches menées en Chine et en Corée ont révélé que :
- Certains polysaccharides d’Artemisia annua stimulent l’immunité.
- Des dérivés synthétiques (comme l’artésunate) sont développés pour améliorer l’efficacité contre le cancer et les maladies virales.
Conclusion
L’Artemisia annua est un exemple remarquable de la richesse de la pharmacopée chinoise. De son usage traditionnel à la découverte de l’artémisinine et des flavonoïdes, cette plante continue d’inspirer la recherche pharmaceutique moderne. Aujourd’hui, des études explorent son potentiel contre d’autres maladies, comme le cancer et les infections virales, confirmant son importance dans l’histoire de la médecine asiatique et mondiale.
Références clés :
- Tu Youyou (2015), The Discovery of Artemisinin (qinghaosu) and Gifts from Chinese Medicine
- Journal of Ethnopharmacology (études sur les flavonoïdes d’Artemisia annua)
- Chinese Herbal Medicine Classics (Shennong Bencao Jing, Zhouhou Beiji Fang)